

Le Mystère des dieux
1. La tête dans les étoiles
Rêve.
Je rêve
Je rêve que je suis un humain et que j’ai une vie normale.
Réveille-toi…
Je garde les yeux fermés pour demeurer dans mon monde onirique.
« Réveille-toi, donc ! »
Est-ce que je rêve que l’on m’ordonne de me réveiller ou me parle-t-on vraiment ?
Je serre les paupières pour me protéger de ce réel que je ne veux plus revoir.
Dans mon rêve je dors paisiblement au creux d’un lit en bois noir garni de draps en coton blanc, dans une chambre aux murs bleus auxquels sont suspendus des photos de couchers de Soleil.
Par la fenêtre, j’entends des voitures qui démarrent, des bus diesel qui ronflent, des coups de klaxons agacés, des pigeons qui roucoulent. Un radio réveil se met en marche.
- Allez, debout !
Est-ce dans ma tête ?
Une main me secoue.
-Réveille-toi, Michael !
Les éléments de mon rêve, voitures, bus, arbres sont arrachés et s’envolent. Dans la rue, des gens surpris disparaissent dans un bruit de succion. Puis ce sont les buildings, les maisons, les routes d’asphaltes, les trottoirs, les pelouses les forêts, l’épaisseur de terre et de sable formant l’épiderme de la planète qui sont aspirés, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus qu’une sphère complètement lisse comme une boule de billard. La planète rétrécit.
J’effectue un petit saut carpé pour quitter ma minuscule planète et vogue dans le vide sidéral en nageant la brasse pour mieux progresser au milieu des étoiles.
- Réveille-toi, enfin !
J’abandonne une réalité et rejoins l’autre.
- Debout Michael ! Il faut se dépêcher !
Des lèvres roses se soulèvent, révélant un tunnel au fond duquel je distingue un palais, une langue, des dents luisantes. Tout au fond, vibre une glotte.
- S’il te plaît, articule la bouche, ne te rendort pas. Nous n’avons plus beaucoup de temps !
Les yeux grands ouverts, je vous à qui appartient cette bouche. Une femme au visage rond et harmonieux, aux longs cheveux bruns torsadés, au regard vif.
Elle me sourit et je la trouve extraordinairement belle.
Je me frotte les paupières.
Je suis dans une chambre au plafond élevé avec des murs en pierre de taille. Les draps argentés sont en soie. Je distingue par la fenêtre largement ouverte une montagne dont le sommet se perd dans les nuages. Tout est calme. L’air frais sent bon les fleurs et l’herbe mouillée de rosée. Pas de photos de couchers de Soleil, pas de voitures, pas de radio-réveil.
Ca y est, je me souviens.
Je me nomme Michael Pinson.
J’ai été mortel : médecin anesthésiste en charge de malades que j’ai soignés.
J’ai été ange. En charge de trois âmes que j’ai soutenues durant leurs existences successives.
Je suis devenu dieu (ou du moins élève dieu). En charge de tout un peuple que je tente de faire survivre le plus longtemps possible à travers les siècles.
Je suis en Aeden, la planète-école des dieux, dans un coin du cosmos, pour tenter de devenir le meilleur d’une promotion de 144 élèves dieux tous concurrents.
J’inspire profondément. Toutes les péripéties qui me sont arrivées se bousculent dans mon esprit.
Je me souviens d’avoir vu mon peuple en grand tourment, je me souviens d’avoir fugué, gravi la montagne pour découvrir quelle était la lueur qui scintillait au travers des brumes du sommet.
Toujours cette envie de hisser ma conscience jusqu’à la dimension qui la surpasse…
Face à moi, la femme sublime plonge ses yeux dans les miens et ajoute :
- Plus une seconde à perdre, Michael. Il faut y aller tout de suite !
Je m’adosse à mes oreillers et parviens à articuler :
- Que se passe-t-il ?
- Il se passe que sept journées se sont écoulées depuis que tu es parti. Durant ces sept journées, le jeu des divinités s’est poursuivi sans toi. Et dans une heure, ce sera la Finale. A l’issue de ce jeu nous saurons quel élève dieu sera décrété vainqueur et aura le privilège de monter aux Champs-Élysées pour rencontrer le Créateur en personne. Voilà ce qu’il se passe.
La Finale de divinité aujourd’hui ? Non, ce n’est pas possible !
Le rêve vire au cauchemar.
- Bouge, Michael ! Si tu n’es pas prêt dans quelques minutes, tous nos efforts auront été vains. Ton peuple mourra et tu perdras.
Un frisson me parcourt l’échine. Soudain, je prends pleinement conscience d’où je suis, qui je suis, et de ce qu’il me reste à faire.
J’ai peur.

