
Indiana Teller
Lune d'été
Prologue
Le vampire
Je n’avais pas prévu tout cela.
Au moment où j’entre dans la pièce, je réalise mon énorme erreur.
Il est là , penché sur un corps exsangue.
Il m’a entendu. Il relève la tête et plonge ses yeux fous de plaisir dans les miens. Sa bouche maculée de sang esquisse un sourire. Ses dents sont trop longues, écarlates. Il se redresse et j’ai l’impression que mon coeur va s’arrêter de battre.
Son sourire s’élargit, comme s’il sentait ma panique. Son regard s’accommode enfin.
Sur son prochain repas.
Moi.
Il bondit.
Chapitre 1
Le meurtre
Je vois la scène comme si j’y étais. Il y a un corps. Étendu. Ruisselant de sang, peau lacérée, muscles sectionnés. L’une des jambes a été à moitié arrachée, on voit l’os brillant. Comme dans un travelling, mon regard horrifié remonte vers le visage.
J’arrête de respirer.
Je connais cet homme.
C’est le père de ma petite amie.
Je m’avance vers lui pour lui venir en aide.
Mais ma main traverse son corps. Je ne peux pas le toucher, je ne peux pas le sauver.
Je hurle.
Et ça me réveille.
Sauf que je n’étais pas endormi. Je venais de m’éclipser jusqu’à Missoula, à sept cents kilomètres, en une fraction de seconde. Comment je le savais ? Parce que mon corps se dématérialise lorsque je fais cela, et que j’étais tout nu, assis sur mon bas de pyjama.
Merde, merde, merde. Ce n’était donc pas un stupide cauchemar.
Quelqu’un avait attaqué Seamus, le père de Katerina. Je bondis vers mon téléphone. Il était quatre heures du matin. J’appelai le 911.
Après avoir donné l’adresse au secouriste, je mentis en disant que le père de Kat m’avait appelé. Le type m’assura que l’ambulance partait immédiatement. Ensuite je sortis de ma chambre en courant.
En ménageant ma jambe encore fragile (broyée par Tyler lors de notre combat à mort, elle me faisait encore mal), je fonçai vers la chambre de Katerina. Elle était l’invitée de notre clan et on lui avait donné une suite dans l’aile gauche. Le plus loin possible de la mienne.
Ma famille m’énerve.
Je la réveillai en claquant la porte contre le mur et j’allumai la lumière.
Complètement éblouie, elle se redressa. Ses magnifiques cheveux noirs étaient ébouriffés et ses yeux gris-vert papillonnaient.
Soudain, son regard s’écarquilla et elle rougit. Elle remonta vers mon visage et ne le quitta pas.
– Indiana ?
– Katerina, je suis désolé, c’est…
Elle m’interrompit fermement.
– Y a-t-il une raison particulière pour que tu sois nu ?
– Hein ? Je baissai les yeux et les relevai très vite. Ouille ! j’avais oublié.
J’attrapai un vêtement qui traînait et me couvrit le… les trucs qui avaient besoin d’être couverts.
Puis je repris.
– Pardon, mais c’était vraiment urgent. Écoute, Katerina, ton père a été attaqué. Elle s’affola et se leva. Elle portait une nuisette épouvantablement courte, qui couvrait à peine le haut de ses longues jambes. En dépit de la situation, comme toujours, cela me secoua. Sa beauté me touchait si profondément que parfois j’en arrêtais de respirer.
– Quoi ? Quoi ? Mais comment… Indiana, comment le sais-tu ?
Je dus lui mentir à elle aussi. Personne ne connaît mon don de rebrousse-temps et personne ne doit le connaître.
– Il vient de m’appeler au secours. J’ai envoyé les ambulances.
Mais nous devons retourner à Missoula. Tout de suite. Je demande à grand-père de s’en occuper.
Elle hocha la tête et, sans se préoccuper de moi, fonça vers son armoire pour préparer son sac. Alors que je me retournai pour refermer la porte, elle retira sa nuisette.
La porte claqua au plus mauvais moment.
Je soupirai et fonçai. Karl, mon énorme grand-père, était encore à son bureau. Les loups-garous chassent le plus souvent la nuit et il venait de rentrer. Il est le chef de notre meute. Enfin, de la meute du, Montana, parce que moi, je ne suis pas un loup-garou, hélas. Je m’appelle Indiana Teller et j’ai mis tout le monde dans d’énormes ennuis.
Juste en naissant.
