

Harry Potter et l'Ordre du phénix
5
L’ORDRE DU PHÉNIX
— Ta… ?
— Ma chère vieille mère, oui, dit Sirius. Depuis un mois, nous essayons de la décrocher mais elle a dû jeter un maléfice de Glu Perpétuelle derrière la toile. Viens, descendons vite avant qu’ils se réveillent de nouveau.
— Mais qu’est-ce que fait le portrait de ta mère dans cette maison ? demanda Harry, déconcerté.
Sirius, suivi des autres sorciers, entraîna Harry hors du hall, dans un étroit escalier de pierre.
— Personne ne t’a rien dit ? Cette maison était celle de mes parents. Et comme je suis le dernier survivant de la famille Black, j’en ai hérité. Je l’ai mise à la disposition de Dumbledore pour y installer le quartier général – c’est d’ailleurs la seule chose utile que j’aie réussi à faire.
Harry, qui s’était attendu à un meilleur accueil, fut frappé par le ton dur et amer de Sirius. Il suivit son parrain au bas des marches puis dans une cuisine aménagée en sous-sol.
C’était une salle de la taille d’une caverne, à peine moins sinistre que le hall, avec des murs en pierre brute. Elle était éclairée essentiellement par un grand feu de bois qui brûlait dans une cheminée aménagée tout au fond. La fumée de pipe qui flottait dans l’air comme des volutes au-dessus d’un champ de bataille laissait voir les contours menaçants de lourdes casseroles et de marmites ventrues, suspendues au plafond baigné de ténèbres. De nombreuses chaises apportées pour les besoins de la réunion s’alignaient autour d’une longue table de bois encombrée de rouleaux de parchemin, de coupes, de bouteilles de vin vides et d’un tas informe qui semblait constitué de chiffons. Au bout de la table, Mr Weasley et Bill, son fils aîné, parlaient à voix basse, penchés l’un vers l’autre.
Mrs Weasley s’éclaircit la gorge. Son mari, un homme mince au front dégarni, avec des cheveux roux et des lunettes d’écaille, jeta un regard autour de lui puis se leva d’un bond.
— Harry ! dit-il en se précipitant pour l’accueillir. Ça fait plaisir de te voir !
Il lui serra chaleureusement la main. Par-dessus l’épaule de Mr Weasley, Harry jeta un regard à Bill. Les cheveux longs toujours noués en catogan, il s’affairait à enrouler les parchemins qui traînaient sur la table.
— Tu as fait bon voyage, Harry ? demanda Bill en essayant de ramasser une douzaine de parchemins à la fois. Fol Œil n’est pas passé par le Groenland ?
— Il a essayé, dit Tonks.
Elle s’était approchée de Bill pour l’aider et avait aussitôt renversé une bougie allumée sur le dernier morceau de parchemin resté sur la table.
— Oh non… je suis désolée…
— Ce n’est rien, ma chérie, dit Mrs Weasley, visiblement exaspérée.
D’un coup de baguette magique, elle répara le parchemin. À la lueur de l’éclair qui sortit de la baguette, Harry aperçut un dessin semblable à un plan d’immeuble.
Mrs Weasley avait surpris son regard. Elle saisit le parchemin d’un geste vif et le fourra dans les bras déjà surchargés de Bill.
— Ces choses-là devraient être rangées très vite à la fin des réunions, dit-elle sèchement.
Elle fila ensuite vers un buffet ancien d’où elle commença à sortir des assiettes.
Brandissant sa baguette magique, Bill marmonna : « Evanesco ! » et les parchemins disparurent aussitôt.
— Assieds-toi, Harry, dit Sirius. Tu connais déjà Mondingus, je crois ?
Ce que Harry avait pris pour un tas de chiffons émit un long grognement puis se redressa d’un coup.
— Y a quéqu’un qui m’a appelé ? grommela Mondingus d’une voix ensommeillée. Chuis d’accord avec Sirius…
Il leva une main crasseuse comme pour participer à un vote, ses yeux cernés et injectés de sang lançant un regard vitreux.
Ginny pouffa de rire.
— La réunion est terminée, Ding, annonça Sirius tandis que tout le monde prenait place autour de la table. Harry est arrivé.
— Hein ? dit Mondingus en observant Harry d’un air sinistre à travers ses épaisses mèches rousses. Alors, le voilà , nom de nom… Ça va, Harry ?
— Ouais, répondit-il.
Mondingus fouilla fébrilement dans ses poches sans quitter Harry des yeux et en sortit une pipe noire et sale. Il la colla entre ses dents, l’alluma avec sa baguette magique et en tira une longue bouffée. Un épais nuage d’une fumée verdâtre se répandit autour de lui en le cachant bientôt à la vue.
— Te dois des escuses, grogna une voix, au milieu du nuage malodorant.
— Pour la dernière fois, Mondingus, s’exclama Mrs Weasley, voulez-vous bien cesser de fumer cette chose dans la cuisine, surtout quand on s’apprête à manger !
— Ah oui, d’accord, Molly, désolé, dit-il.
Le nuage de fumée se dissipa tandis qu’il remettait la pipe dans sa poche mais une odeur âcre de chaussette brûlée s’attarda dans l’atmosphère.
— Et si vous voulez dîner avant minuit, j’ai besoin d’un coup de main, ajouta Mrs Weasley en s’adressant à l’assistance. Non, reste où tu es, Harry chéri, tu as fait un long voyage.
— Qu’est-ce que je peux faire, Molly ? demanda Tonks avec enthousiasme en s’approchant d’un pas bondissant.
Mrs Weasley hésita, apparemment inquiète.
— Heu… Non, ça va, Tonks, il faut que tu te reposes, toi aussi, tu en as assez fait pour aujourd’hui.
— Non, non, je veux t’aider ! protesta Tonks d’un ton claironnant.
Elle renversa une chaise en se dirigeant vers le buffet d’où Ginny sortait des couverts.
Bientôt, de gros couteaux se mirent à couper tout seuls viande et légumes, sous la surveillance de Mr Weasley. Pendant ce temps, Mrs Weasley remuait le contenu d’un chaudron accroché au-dessus du feu et les autres s’occupaient de sortir des assiettes et des coupes ainsi que divers ingrédients conservés dans le garde-manger. Harry se retrouva assis à la table en compagnie de Sirius et de Mondingus qui le regardait toujours d’un œil lugubre.