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Divergente Tome 1 

Tris s’apprête à passer son test d’aptitude. Ce test est sensé déterminer la faction qui lui correspond le mieux en fonction de ses compétences. Il existe cinq factions : altruiste, sincère, audacieux, érudit et fraternelle.

 

   J’expulse l’air de mes poumons et je verse le contenu de la fiole dans ma bouche. Mes yeux se ferment.

                                                                    +++

   Lorsqu’ils se rouvrent quelques secondes plus tard, je me trouve ailleurs. Je suis de retour dans la cafétéria, mais les longues tables sont inoccupées et je vois de la neige tomber dehors à travers les panneaux vitrés. Sur la table devant moi, il y a deux paniers, contenant l’un un morceau de fromage et l’autre un couteau long comme mon avant-bras.

   Derrière moi, une voix m’ordonne :

      - Choisis.

      - Pourquoi ?

      - Choisis.

   Je regarde par-dessus mon épaule, mais il n’y a personne. Je me tourne de nouveau vers les paniers.

      - Qu’est-ce que je dois faire ?

      - Choisis ! brailla-t-elle.

   Le fait qu’elle me cris dessus à chasser ma peur et n’a réussi qu’à me braquer. Je croise les bras en serrant les dents.

      - Comme tu voudras, dit-elle.

   Les paniers disparaissent. Une porte grince et je me retourne pour voir quik vient d’entrer. Ce n’est pas « qui Â», mais plutôt « quoi Â» : un chien au museau allongé, qui se tient à quelque mètre de moi. Il s’aplatit au sol, retrousse les babines et s’approche lentement. Un grondement sourd monte de sa gorge, et je comprends à quoi aurait pu me servir le fromage. Ou le couteau. Malheureusement il est trop tard.

   Je pourrais essayer de m’enfuir ; mais il serait plus rapide que moi. Je ne peux pas le plaquer au sol. Je sens des coups de pilon dans ma tête. Je dois me décider. Si j’arrive à sauter par-dessus une table et à la prendre comme bouclier… non, je suis trop petite pour sauter par-dessus et pas assez forte pour la renverser.

   L’animal montre les crocs avec un grognement qui me semble résonner jusque dans man crâne.

   Dans mon livre de biologie on explique que les chiens peuvent détecter l’odeur de la peur parce qu’en situation de stress, nous sécrétons un produit chimique identique à celui que dégagent leurs proies. C’est l’odeur de cette substance qui les incite à attaquer.

   Le cerbère s’approche de moi peu à peu en raclant le carrelage de ses griffes.

   Je ne peux pas m’enfuir. Je ne peux pas me défendre. Il n’y a pas de blanc dans ses yeux rien, qu’une lueur sombre.

   Qu’est-ce que je sais d’autre sur les chiens ? Qu’il ne faut pas les regarder en face. C’est un signe d’agression. Je me rappelle que quand j’étais petite j’en voulais un ; maintenant, les yeux rivés par terre entre les pattes de celui-là, je serais bien en peine de dire pourquoi. Il se rapproche toujours, sans cesser de gronder. Si le fixer est un signe d’agression, quel est le signe de soumission ?

   Ma respiration est brulante mais régulière. Je me laisse tomber à genous. M’allonger devant ce chien –avec le visage au niveau des crocs- est bien la dernière chose que j’ai envie de faire, mais c’est ma meilleurs chance Je me couche à plat ventre, jambes tendues, en appuis sur les coudes. Il s’approche encore toujours plus près, jusqu’à que je respire son haleine chaude et fétide. J’essaie de ne pas penser à ce qu’il a pu manger. J’ai les bras qui tremblent.

   Il m’aboie dans l’oreille et je serre les dents pour ne pas crier.

   Soudain je sens quelque chose de râpeux et d’humide sur ma joue ; Il a cessé de gronder, et quand je relève la tête pour le regarder je halète. Il m’a léché le visage. Je fronce les sourcils et je m’accroupis. Le chien pose ses pattes sur mes genoux et me lèche le menton. Avec u  mouvement de recul, j’essuie sa bave sur ma joue, et je ris.

        - Tu n’es pas si méchant au fond…

   Je me relève lentement pour ne pas le surprendre, mais on ne dirait plus la même bête qu’il y a quelques instants. J’approche une main, assez prudemment pour pouvoir la retirer au cas où. Il tend la tête et vient s’y frotter. Finalement, je suis contente de ne pas avoir choisi le couteau.

   Je cligne des yeux et quand je les rouvre, il y a une petite fille en robe blanche à l’autre bout de la salle. Elle tend les mains en piaillant :

     - Chien !

Elle accourt vers nous et je rouvre la bouche pour l’avertir, trop tard, le chien l’a vu. Aussitôt, il aboie en montrant ses crocs et bande ses muscles comme des ressorts, prêt à bondir. Sans réfléchir, je saute sur lui en refermant les bras autour de son cou.

   Ma tête heurte le sol. Ils ont disparu. Je suis seul dans la salle de test. Je tourne lentement sur moi-même, mais il n’y a plus de miroirs pour me renvoyer mon reflet. J’ouvre la porte et je sors dans le couloir… qui n’est plus un couloir. Me voilà dans un bus ou toutes les places sont prises.

   Je reste dans l’allée en me tenant à une barre. Assis à côté de moi un homme lit son journal, qui lui masque le visage. Mais je vois ses mains comme s’il voulait le déchirer ; elles sont couvertes de cicatrices, comme des brûlures.

       - Tu connais ce type me demande-t-il ?

Il tapote du doigt la photo qui illustre l’article de la première page. Le titre annonce : « un violant meurtrier enfin arrêté. Â» Je fixe le mot « meurtrier Â» c’est un  mot que je n’ai pas vu depuis longtemps, et le seul fait de le lire me remplit d’effroi.

   Sous le gros titre la photo montre un homme jeune, barbu, tout ce qu’il y a d’ordinaire. Sa tête me rappelle quelqu’un, sans que je puise me rappeler qui. Et au même moment je songe que ce ne serait pas une bonne idée de l’avouer au type du bus.

      - Alors tu le connais ?

   Il y a de la colère dans sa voix.

   Ce serait même une très mauvaise idée. Mon cÅ“ur bat à tout rompre et je serre la barre pour empêcher mes Si j’admets que je connais peut-être l’homme de la photo, il va m’arriver quelque chose d’horrible. Mais je peux aussi lui faire croire le contraire. Je peux m’éclaircir la voix et hausser des épaules Sauf que ce serait un mensonge.

   Je m’éclaircis la voix.

      - Alors ? répète-t-il

Je hausse les épaules.

      - Et bien ?

Un frisson me parcourt de la tête aux pieds. Ma peur est irrationnelle ; Ce n’est qu’un test, pas la réalité.

      - Non, dis-je d’un ton détaché. Jamais vu.

Il se lève et je découvre enfin son visage. Il porte des lunettes de soleil et sa bouche est tordue dans un rictus. Comme ses mains, une de ses joues est couturée de cicatrices. Il se penche vers moi. Son haleine sent le tabac. « Ce n’est pas la réalité, me répété-je. Pas la réalité. Â»

 

       - Tu mens, me lance-t-il. Tu mens !

       - Non, je ne mens pas.

       - Je le vois dans tes yeux.

   Je me redresse.

 

       - Ce n’est pas vrai.

       - Si tu le connais, répond-il à voix basse, tu peux peut-être me sauver. Me sauver !

   Je plisse les yeux.

       - Et bien je ne le connais pas.

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